Il ne s’agissait pas de disserter sur ce qu’est une célébration, mais d’en faire l’expérience le premier jour puis, le lendemain matin, de regarder le chemin parcouru. Ce que j’ai apprécié, c’est la dimension concrète de l’apprentissage collectif.
Simon de Cyrène avait invité une intervenante extérieure : Anne, chef de mission « inclusion ». J’ai admiré son savoir-faire et son écoute des personnes quand elle a mené un brainstorming efficace (à 65 !) pour faire surgir les souhaits du plus grand nombre. Puis, quand elle a motivé l’assemblée à se répartir dans huit groupes de préparation : accueil, décoration, dîner, animation (chants, danses, sketchs, thèmes de discussion…), etc. Au final, la fête a donné lieu à un juste équilibre entre la joie et l’intériorité, les jeux et les échanges en profondeur, avec une réflexion sur ce qui anime chacun dans sa communauté et donne sens à sa vie. Et ce point essentiel : personnes valides et handicapées ont toutes mis la main à la pâte et travaillé de concert. Pas de super-équipe d’animateurs qui préparent tout pour une assemblée de consommateurs, aucun one-man-show. Chapeau !
Le lendemain, dans la salle de réunion, c’est naturellement la « cocréation » qui revient le plus dans les échanges. Et d’abord une question centrale, posée par Angelo, résident dans une des maisons d’Angers :
« Comment une célébration peut-elle nous permettre d’équilibrer la relation entre les personnes handicapées et ceux qui les aident » ?
Caroline, résidente de Rungis, offre un début de réponse :
« Chacun, assistants et handicapés, peut participer à sa manière, ça rassemble tout le monde et ça permet de dire que chacun a de la valeur… ».
La confiance
Un maître mot s’impose alors dans le débat : la « confiance ».
Confiance dans les idées, même les plus incroyables, qui ont fusé lors du brainstorming : celle, par exemple, de faire un feu de camp pour la veillée… dans la salle même ! La proposition aurait pu finir aux oubliettes. Au final, on a bien fait un feu mais sous la forme d’une grande peinture autour de laquelle on a disposé des bougies pour chanter.
Célébrer, c’est donc s’écouter mutuellement et être inventifs pour mettre en évidence le « chacun à sa manière » (Caroline)
« Confiance que l’on peut s’appuyer les uns sur les autres et que quand surgiront les embêtements, on les portera ensemble », reprend Anne. Et d’insister :
« La personne qui célèbre accueille ce qui est donné. Une célébration, c’est l’art d’accueillir et de goûter ce qui est donné. »
Une idée peut ainsi surgir inopinément. Et l’on salue ici le débarras des tables à la fin du dîner de fête où, au lieu d’exécuter machinalement cette corvée, on a improvisé de manière efficace « la danse des poubelles » : une chorégraphie-nettoyage sur un fond musical qui a rassemblé assistants et résidents, même ceux en fauteuils roulants. Chacun s’est mobilisé.
Préparer une fête suppose aussi d’être prêt à ne récolter que de tout petits riens. Ainsi, le travail en amont peut très bien n’intéresser personne au sein de la communauté… Une piste est alors de « faire avec », de cesser d’avoir des attentes surdimensionnées… ».
« Mais comment fait-on, demande Marianne, une assistante, pour qu’il y ait une si bonne ambiance à notre prochaine fête ? » Idem, toujours la confiance, et ne pas chercher à revivre ce que l’on a déjà vécu ! Lâcher, lâcher, encore lâcher… pour accueillir l’imprévu au moment même.
Certes, mais : « Comment on arrive à gérer l’angoisse, le stress par rapport à une improvisation ? », demande Corentin, 23 ans, qui, lors de la veillée, s’est dépassé en entonnant comme un leitmotiv un refrain de Pascal Obispo : « La Bonne Nouvelle, c’est lui ». « C’est forcément stressant et désagréable de se jeter à l’eau, lui répond Anne. Mais il faut passer par là pour créer sinon on reproduit, on recopie. Créer, ça crée du stress. »
A Simon de Cyrène, j’ai appris qu’il faut oser célébrer « chacun à sa manière », dans le respect et l’écoute mutuelle, c’est formidable.
Nous remercions Christine FLORENCE, journaliste à La Vie